Meufs & apocalypse
Des mecs qui saoulent, des meufs qui badassent : qui survivra à la fin des temps ?
Le mot de la patronne
C’est un bon moyen d’occuper son 8 mars que d’aller de conférence féministe en conférence féministe au Pop Women Festival. On y a partagé un intense moment de retrouvailles entre les sœurs Dupré La Tour, qui effectuaient là leur première conférence commune. J’ai eu un flash : avoir un jumeau, c’est un super concept ? Genre une photocopie de toi avec qui tu peux bitcher pour toujours ?! Qui a un œuf monozygote sous la main ? Bénédicte Dupré La Tour a lu des extraits de “Terres promises” (Le Panseur), par ailleurs en sélection pour la première édition du prix littéraire du “Nouvel Obs”, récit supra violent sur la colonisation du territoire, du corps, de l’imaginaire. Florence Dupré La Tour a affirmé dans un sourire diabolique : “Je ne fais pas de cadeaux à ma ma mère dans mes BD. Elle ne m’en a pas fait non plus”. Bon sang, quelle autrice. Lisez “Cruelle”, “Pucelle”, “Jumelle” (Dargaud) et tout ce qui porte sa patte.
On a vu aussi Florence Cestac, Aude Picault et Cati Baur échanger sur le vieillissement, Alix Garin soutenir que “l’imaginaire précède l’action” ou David Prudhomme illustrer en direct le texte de Marion Olité sur “Buffy”. C’est autre chose que se déplacer dans un hôtel au fin fond du Bourget pour payer 350 euros le selfie avec un acteur qui a vaguement joué un monstre dans la saison 1. Enfin, grand moment de poilade à “Roman photo : kitsch et brushing pour l’égalité”, avec Ovidie et Sophie-Marie Larrouy, qui relevait plus du podcast en direct que de la table ronde. Larrouy qui imite l’accent alsacien ? Ça part à Baltard. Avec ce bémol : les quatre seuls hommes présents dans la salle ont tenu à prendre la parole, et pas pour briller par leur finesse, parmi un public de 100 femmes, dans un festival par et pour les femmes. Vraiment ? Très envie de faire une Finkielkraut. Vivement que le Pop Women Festival absorbe le Festival d’Angoulême revienne l’année prochaine.
Archives mon amour
Non vraiment on sent que tout va très bien en ce moment, entre les expos sur les catastrophes nucléaires, la misogynie et… l’apocalypse. C’est bien ce dernier thème qui a l’honneur de la BNF actuellement. Et c’est une excellente idée. Le Jugement dernier, Saint-Michel terrassant le dragon, la chute de Babylone… quelle histoire peut se vanter d’avoir donné lieu à une iconographie aussi riche ? Kudos, saint Jean. Si vous aimez les gros manuscrits enluminés, précipitez-vous. D’ailleurs, j’ai rarement vu un truc qui ressemblait autant à une bande dessinée qu’un incunable du Moyen Age.
Tous mes champions de l’histoire de l’art y sont réunis : Dürer (so dramatique), Goya (so dark), Kandinsky (so abstrait)… Et les commissaires ont eu la curiosité d’aller piocher dans plein de disciplines différentes, comme le cinéma, la tapisserie ou l’installation. Ce qui signifie que oui, il y a de la bande dessinée. On est accueillis par rien de moins que des planches de “La Route” de Larcenet (adapté du chef d’œuvre pas riant riant de Cormac McCarthy), mais on trouve aussi du Jean-Christophe Chauzy et du chouchou Benjamin Adam - dont je vous avais recommandé “Inlandsis Inlandsis” (Dargaud). Allez, tout le monde prend sa carte à la bibli !
PS1 : Les planches originales de “La Bête est morte !” de Calvo, récit anthropomorphe sur la Seconde guerre mondiale dessiné pendant l’Occupation, viennent d’entrer dans les collections de la BNF après un appel aux dons réussi. On lui a reconnu le statut de “trésor national”, œuvre d’intérêt majeur pour le patrimoine français.
PS2 : Une expo sur Gébé ouvrira ses portes en mai. Cet endroit, c’est vraiment the gift that keeps on giving.
PS3 : Texte non sponso mais que la BNF n’hésite pas à me faire parvenir un ou deux grimoires.
Dernières impressions
Il déserte, par Antoine De Caunes et Xavier Coste (Dargaud, 208 p., 30 euros)
Les hommes : plutôt passer un an seul sur une île déserte qu’aller en thérapie. Mais comme Georges De Caunes, père d’Antoine De Caunes qui nous raconte cette #truestory, ne démord pas de son idée à la con choix, le voilà parti pour Eiao, en Polynésie française. A ce stade de sa vie, Georges De Caunes est divorcé de ✨✨ queen absolue Benoîte Groult ✨✨ avec qui il a deux filles, marié à la speakerine Jacqueline Joubert, mère d’Antoine. Mais qu’est-ce que ça vaut face à l’appel de “Vendredi ou la vie sauvage” ? Je ne sais pas ce qui, dans ce bouquin, lui a inspiré l’envie de faire du tourisme, entre l’esclavage et le cannibalisme. Bref, sur place c’est évidemment l’enfer : y’a trop de soleil, y’a des moustiques, y’a rien qui pousse. C’est “Into The Wild” sous les tropiques. Antoine, c’est bien légitime, s’est toujours demandé pourquoi son père avait voulu faire ce voyage et moi non plus je ne vois pas, si ce n’est une bouffée délirante de mégalomanie. Au péril de sa vie et de celle de son chien qu’il a ramené dans cette galère, Georges devra se rendre à l’évidence : n’est pas Teheiura qui veut. Cela dit, ça donne une belle BD sous le crayon très inspiré de Xavier Coste qui retranscrit bien la douleur avec ses aquarelles ensanglantées. Comme quoi, y’a aussi des bons côtés au fait d’abandonner toute sa famille. Allez tome 2, les points de vue de Mmes De Caunes qui, pendant ce temps-là, se sont coltinées les gosses ?
Shut up and take my money
IMHO annonce une réédition de “La Jeune fille aux camélias” de Suehiro Maruo : j’en bave déjà.
Télégrammes
“Finalement, les nazis ont conçu la plus incroyable exposition d’art moderne” : visite de l’expo “Art dégénéré” au musée Picasso avec Luz, dont le Fauve d’or “Deux filles nues” (Albin Michel) portait sur le même sujet.
“J’ai réalisé que j’avais beaucoup de non-dits avec mon père. Or, je n’ai jamais exploré ma relation avec lui dans mes BD, ni dans ma vie, ni même en moi-même. C’est quelque chose dont je ne parle pas et qui ne m’a jamais posé question” : le plus gros vendeur de BD d’Italie, Zerocalcare, répond aux questions de son fan n°1 Renaud Février au sujet de “A ta mort, ce sera à moi” (Cambourakis).
Les adaptations de BD à l’écran, on n’y croit jamais, sauf quand c’est Alain Chabat qui s’y colle.
Une BD poignante sur le trauma signée par la Britannique Zoe Thorogood, qui du haut de ses 26 ans, a déjà publié un chef d’œuvre avec “It’s Lonely at the Center of the Earth” (Hi Comics).
Comme la vieille personne que je suis, je ne situe pas bien qui sont et ce que font les BLACKPINK. Sauf depuis que, comme une vieille personne, je regarde “The White Lotus” où Lisa figure au casting. Figurez-vous que celle-ci vient de lancer sa propre maison d’édition, LaLisa, dont la première sortie, “Alter Ego”, est une plongée dans les cinq personnalités de la chanteuse.
“Je suis quelqu’un qui s’ennuie vite dans la vie. C’est aussi pour cela que j’ai toujours fait des livres qui ne se ressemblent pas” : sympathique portrait de l’inclassable Jean-Christophe Menu, cofondateur de l’Association, de l’OuBaPo (Ouvroir de bande dessinée potentielle) et de l’Apocalypse, membre du Collège de Pataphysique, thésard sur “la bande dessinée et son double”, chantre de l’expérimentation.
J’adore Diego Aranega depuis les années 1990 où je lisais “Focu” dans “XL magazine” (s’il fallait vraiment une preuve de mon âge). Aujourd’hui dessinateur pour “le Canard enchaîné” ou “Fluide glacial”, il n’a rien perdu de son ton absurde.
Méga-surprise ! “Le cas David Zimmerman” (Sarbacane), dessiné par Lucas Harari, était le storyboard du prochain film d’Arthur Harari. Ou pas.
On parlait de la maison d’édition bruxelloise La 5e Couche dans la newsletter précédente. L’un de ses fondateurs vient de diffuser une tribune dénonçant l’invisibilisation de la structure en raison de ses publications dérangeantes.
Lloyd Chéry a demandé plus de blagues dans mes newsletters. Ce que vous venez de lire est donc de sa faute.







